Entre Froideur Et Désir

Chapter 8: Chapitre 8



- En es-tu sûr, Mr Luc ?

Je pose la question au PDG quand il me dit, avec un sourire incertain, qu'il va doubler mon salaire ce mois-ci, à condition que je reste avec lui ce soir, ne serait-ce qu'un petit moment.

- Demain, quand tu te réveilleras, tu ne te souviendras plus de ce qui s'est passé aujourd'hui, ni de ce que tu as dit, ni de ce que tu as fait. Alors comment pourrais-tu te rappeler que tu m'as promis de doubler mon salaire ? C'est ridicule... Franchement. On dirait que j'étais dans le même état que lui, ce jour où j'étais moi aussi complètement ivre. Oh ! Attends... j'ai une idée !

- Mr Luc ? Mr Luc ?

- Hmmm...

- Ce que tu viens de dire... ça tient toujours ?

Je lui demande cela calmement, tout en le filmant discrètement avec mon téléphone portable, que je tiens fermement comme une arme de défense invisible.

- Oui. Reste avec moi un petit moment et je doublerai ton salaire ce mois-ci... non, mieux encore, je le triplerai !

- D'accord. Bonne coopération !

Satisfaite, je mets rapidement fin à l'enregistrement. Après avoir capté cette preuve aussi précieuse qu'inattendue, je l'emmène dans sa chambre. Il titube, s'accroche parfois à mon bras, mais reste docile. Je lui enlève sa chemise trempée d'alcool et ses chaussures, puis je le dirige vers la salle de bain. Je le dépose dans la baignoire, encore habillé de son pantalon. J'ouvre le robinet pour qu'il se rince. Il est tellement ivre qu'il ne bouge même pas, comme plongé dans un autre monde.

Je lui parle à voix basse, presque comme à un enfant :

- Douche-toi doucement. Et quand tu auras terminé, sors. Tu es un grand garçon.

Puis je ferme la porte de la salle de bain derrière moi, un peu lasse.

Quelques minutes plus tard, j'entends des bruits d'eau. C'est étrange... Je l'avais mis dans la baignoire, mais maintenant, il semble sous la douche. Bon, après tout, ce n'est plus mon affaire à partir du moment où il est en sécurité. J'hausse les épaules.

- Tu as fini de prendre ta douche, Rensley ?

- Oui, j'ai fini, répond-il d'une voix douce, presque enfantine.

- Alors pourquoi tu ne sors pas encore ?

Je patiente devant la porte, mais quand il l'ouvre enfin et se tient juste devant moi... je reste figée. Il a retiré son pantalon. Il est totalement nu. Surprise, choquée même, je me retourne aussitôt, le dos bien droit.

Mais lui, il semble n'en avoir rien à faire. Il agit comme si c'était parfaitement normal. Comme s'il n'était pas du tout conscient de la situation. Je soupire, je me faufile dans la salle de bain, attrape une serviette, et lui couvre rapidement la taille.

- Tu ne sais pas qu'on doit porter une serviette après une douche ? Pourquoi sortir comme ça ? Allez, viens !

Je l'emmène dans sa chambre sans un mot de plus.

- Allez, habille-toi maintenant.

Mais il ne bouge pas d'un pouce. Il reste là, debout, la tête baissée, silencieux comme une statue.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu ressens une douleur quelque part ?

- Non.

- Alors pourquoi tu ne t'habilles pas ?

- Retourne-toi.

- Oh...

Je le regarde, un peu surprise, les sourcils froncés.

- Je ne m'habillerai pas tant que tu ne te retournes pas, répète-t-il d'un ton sérieux.

- Quoi ? Tu es timide maintenant ? Pourtant, tout à l'heure, tu t'es montré devant moi complètement nu, sans la moindre gêne, sans même un regard de honte !

Je m'approche doucement de lui et, sur le ton de la taquinerie :

- J'ai déjà tout vu, tu sais. Chaque partie de ton corps, chaque détail. Qu'est-ce que tu veux me cacher maintenant ?

- N'est-ce pas toi qui viens de me dire que je devrais m'habiller ?

- Oh ! Tu es devenu si obéissant tout à coup ? Je ne savais pas qu'on pouvait faire de toi une marionnette quand tu es ivre !

Il me jette un regard sombre, soudain sérieux. Il m'attrape fermement par la taille, me fait pivoter et me plaque contre le mur. Son torse se colle à mon dos, et je sens son souffle chaud contre ma nuque.

- Qu'est-ce que tu fais ? Lâche-moi !

- Tu viens de dire que je suis obéissant... alors pourquoi ne pas profiter de ce moment ?

- De quoi tu parles ?

Ses mains glissent sur mes bras, lentement, puis descendent jusqu'à mes cuisses. Il soulève ma robe sans prévenir, et glisse ses doigts dans mes sous-vêtements. Mon corps hésite, mon esprit se fige. Une partie de moi veut résister, l'autre ne réagit pas tout de suite. Puis, dans un sursaut de lucidité, je le repousse violemment.

Il me rattrape, me fait asseoir sur le lit, comme s'il ignorait ma résistance. Je le repousse à nouveau, plus fermement cette fois, puis je me lève d'un bond et m'enfuis de chez lui. Je cours presque, le cœur battant, jusqu'à chez moi.

Quand j'arrive, tout le monde dort profondément. Je fais de mon mieux pour ne pas faire de bruit. Je me faufile jusqu'à ma chambre, referme la porte sans un son, et je m'écroule sur mon lit.

Je finis par m'endormir.

Le lendemain matin, au bureau, Mr Luc me lance d'un ton énigmatique :

- Secrétaire Maylidjy n'a-t-elle pas des explications à me donner ?

- À quel sujet ?

- Le responsable du bar vous a appelée hier soir pour venir me chercher. Ce matin, je me suis réveillé nu, avec une serviette sous la couverture. Vous pouvez m'expliquer ce qui s'est passé la veille ?

- Mr Luc ne se souvient pas des détails ?

- Comment pourrais-je me souvenir ?

- Alors comment sais-tu que c'est moi qui suis venue ?

Il balbutie, peu convaincant :

- J-j-j'ai... J'ai mené une petite enquête !

- Mais pas sur les détails gênants ? Comme le moment où tu es apparu nu devant moi, sans aucune retenue ?

Je vois son visage changer. Il est gêné, ça se voit. Mais pour sauver la face, il me répond, l'air provocateur :

- Alors, Mlle Maylidjy... en a beaucoup profité, n'est-ce pas ?

- Que veux-tu dire ?

- Tu ne comprends pas ce que je veux dire ?

- Non, Mr Luc. Ce que je sais, c'est que vous m'avez promis quelque chose hier soir... et j'ai la preuve.

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– Non. Mr Luc ! Vous m'avez promis quelque chose la veille.

– Moi ?

– Bien sûr que c'est toi ! Tu l'as dit très clairement.

– Comment est-ce possible ? Et même si c'était vrai, tu ne peux pas prendre au sérieux les paroles d'un homme complètement ivre.

– Bien sûr que non. Je ne crois pas à ce que dit un ivrogne… mais toi, tu es sobre maintenant, n'est-ce pas ?

– Je n'ai rien promis. Oublions cette histoire, ça n'a aucun sens.

– Oh vraiment ? Le grand et respecté PDG Luc voudrait revenir sur sa parole ? Ce n'est pas très professionnel, vous savez.

– Mais enfin, je ne me souviens de rien ! J'étais ivre, complètement hors de moi.

– Pas d'inquiétude ! Votre aimable secrétaire, Mlle Maylidjy, se fera un plaisir de vous rafraîchir la mémoire. Et crois-moi, même les moindres détails de cette promesse ne seront pas oubliés.

– Quelle preuve ? De quoi tu parles exactement ?

Sans répondre, je fais signe à son assistant, à qui j'avais demandé auparavant de préparer un écran dans le bureau. Je m'approche calmement, connecte mon téléphone, et diffuse la vidéo où l'on voit clairement Mr Luc, l'air titubant mais souriant, déclarer :

« Oui, reste avec moi un moment et je doublerai ton salaire… Non, je le triplerai même ! »

Il regarde la vidéo, les yeux écarquillés.

– Tu n'es pas restée ! Ce matin, quand je me suis réveillé, tu n'étais plus là. Tu étais déjà retournée chez toi.

– C'est vrai. Mais tu n'avais précisé ni durée ni heure exacte. Tu as dit "pendant un moment". Et cinq minutes, dix minutes, ça reste un moment. Sans compter que je t'ai aidé à aller te doucher, et que je t'ai mis au lit.

– Tu ne m'as pas aidé à m'habiller !

– Mr Luc semble oublier bien des choses. Je ne suis pas votre servante, ni votre gouvernante. Je suis votre secrétaire, ce n'est pas dans mes fonctions de vous rhabiller. Je ne suis pas tenue à cela, tu comprends ?

– Toi !

– Quoi ? Mr Luc refuse d'honorer sa parole ? On dirait que le PDG respecté de tous traite les mots à la légère ! C'est vraiment décevant.

Je le provoquais exprès, juste pour voir jusqu'où il irait. Mais il me répondit d'un ton calme, posé, mais ferme :

– D'accord. Aucun problème. C'est possible. Accompagne-moi à une soirée ce soir, et tu auras le triple de ton salaire. C'est ma dernière offre.

– Pourquoi n'y allez-vous pas en compagnie de votre épouse ? Vous êtes marié, non ?

– Quoi ? Marié ? Avec qui ? De quoi tu parles ? Quand me serais-je marié ? Et surtout, quand est-ce que j'aurais dit que j'étais marié ? Tu inventes.

– Très bien… laisse tomber. Je serai là ce soir.

Je tourne les talons et me dirige vers la porte de son bureau. Mais alors que je pose la main sur la poignée, il ajoute calmement :

– Encore une chose.

Je me retourne doucement, feignant la neutralité :

– Que puis-je faire pour vous, Mr Luc ?

– Prends cette robe. Porte-la pour la soirée. Elle est faite pour toi.

– Ce n'est pas nécessaire…

– Je ne t'ai pas posé une question. C'est une demande directe. Après tout, c'est ma réputation qui est en jeu ce soir.

– Très bien… d'accord.

Je prends la robe avec précaution et sors de son bureau. En l'examinant de plus près dans le couloir, je constate que ce n'est pas une robe ordinaire. Elle est sublime, délicate, luxueuse. Elle doit coûter des milliers. Pourquoi me la donne-t-il ? Il a sûrement une arrière-pensée. Il faut que je sois prudente. Très prudente ce soir.

Pendant la soirée, alors que j'avance lentement parmi les invités, Mlle Carline s'approche de moi, un verre à la main, le sourire narquois.

– Yo ! N'est-ce pas Mlle Maylidjy ? Ou devrais-je dire maintenant… Secrétaire Maylidjy ?

Je ne réponds pas. Je fais semblant de ne pas l'avoir entendue et change de direction, espérant qu'elle me laisse tranquille. Mais elle se met devant moi pour m'en empêcher.

– Pourquoi partir si vite ? Secrétaire Maylidjy est si pressée de rentrer ? Veut-elle rejoindre son amant ce soir ?

Je la regarde un instant, sans sourciller, puis je réponds calmement :

– Que je veuille voir mon amant ou non… c'est une affaire strictement personnelle. Et je ne crois pas que ça ait quoi que ce soit à voir avec toi, Carline.

— Toutes ces années ont passé, et Mlle Maylidjy n'a pas du tout changé… Toujours aussi mesquine et rusée !

— Que veux-tu dire par là ?

— Tu oses faire des choses, mais tu n'as même pas le courage de les assumer ? Bien sûr, avec ce visage si innocent, personne ne croirait que tu es une maîtresse…

— Fais bien attention à ce que tu dis ! Sinon, ne me reproche pas d'être impolie !

— Oh ? Tu es devenue si courageuse ? Non… j'ai oublié, tu l'as toujours été. Sinon, tu n'aurais jamais osé t'immiscer dans ma relation avec Sley. Rensley et moi sommes amoureux depuis longtemps. C'est à cause de toi qu'il ne m'a jamais épousée ! Depuis ton apparition, il n'a plus d'yeux que pour toi. Même lorsque tu étais partie à l'étranger, alors qu'on ne savait pas où tu étais, il s'est noyé dans le chagrin, se saoulant nuit après nuit, prononçant ton nom encore et encore. Même au bureau, il était ailleurs. Le front plissé, jamais un sourire. Il ne participait qu'aux soirées les plus importantes, et parfois même, il prétextait être malade pour envoyer son assistant à sa place. Pourquoi es-tu aussi importante à ses yeux ? Pourquoi ? Mais ne t'inquiète pas, même s'il t'aime… il m'aime davantage !

J'étais surprise d'entendre tout cela. Est-ce que je me suis trompée à son sujet ? Est-ce que je l'ai mal jugé ? Mon cœur battait un peu plus fort à cette idée.

Je m'avance d'un pas, la regarde dans les yeux, et d'un ton moqueur, je lui réponds :

— Vraiment ? Mlle Carline semble très sûre d'elle. Si Rensley t'aimait tant, pourquoi n'est-il pas déjà marié avec toi ? Et puis, tu sembles avoir tellement de temps libre que tu viens m'embêter en pleine soirée. On dirait que tu n'es pas très occupée ces derniers temps. Je devrais peut-être demander à Rensley de te confier quelques projets. Avec un peu de travail, tu n'auras plus le temps de déranger les autres.

— De quoi es-tu si fière ? Il n'y a rien de glorieux à être une maîtresse !

— Mais toi et Rensley n'avez jamais été en couple ! Alors comment es-tu devenue sa petite amie ? Et pourquoi aurait-il dû te demander en mariage ? Tu te fais des illusions. Je ne crois pas que Mr Luc se soucie de toi autant que tu le prétends.

— Vraiment ? Alors voyons à présent… de qui Rensley se soucie le plus !

— Que veux-tu dire ?

— Le spectacle ne fait que commencer. Ne sois pas si impatiente…

Soudain, elle m'attrape le bras.

— Que fais-tu ? Lâche-moi !

Mais elle ne répond pas. À côté de nous, il y a une piscine. Elle me pousse brutalement dans l'eau, et sans hésiter une seconde, elle plonge elle aussi.

— À l'aide ! À l'aide !

Les invités alertés accourent, criant dans tous les sens :

— Venez vite ! Deux personnes sont tombées à l'eau !

Le tumulte attire immédiatement le PDG Luc. Sans même réfléchir, il court, saute dans la piscine tout habillé, et nage droit vers moi pour me sortir de l'eau. Pendant ce temps, les sauveteurs présents se précipitent pour secourir Mlle Carline et la porter hors de la piscine.

Trempée, dans les bras de Rensley, je reprends lentement mon souffle. Et lorsque Carline nous aperçoit, elle comprend aussitôt. Elle nous regarde avec fureur.

Dans son regard, un mélange de haine et de douleur. Et dans ses pensées, je l'imagine crier :

--- « Tu vas me le payer très cher. Pourquoi Rensley se soucie-t-il autant de toi ? Il t'a même portée dans ses bras… en public ! Il ne m'a jamais traitée de cette manière. Pourquoi es-tu revenue dans nos vies ? Pourquoi m'as-tu volé mon Rensley ? »


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